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Se souvenir d'Yvonne Oddon

17/06/2022

Se souvenir d'Yvonne Oddon

par Gudrun Mattes

 

Bientôt en 2022, nous fêterons l'anniversaire de la naissance et de la mort d'Yvonne Oddon,

Yvonne Oddon (1902 -1982) est une grande résistante, co-fondatrice d'un des tout premiers réseaux de résistance dès 1940. Elle est aussi une grande dame de la documentation qui a beaucoup travaillé pour rendre les bibliothèques accessibles à un grand public. Mais surtout, c'est un personnage de l'Histoire de la France qui est étroitement lié à notre commune.

Yvonne Oddon est fille d'une famille protestante dioise qui a son berceau à Menglon. Elle est certes née à Gap, car la famille suit les affectations du père qui est officier de carrière, mais Yvonne passe toutes les vacances de son enfance dans le Diois et une fois adulte, elle retourne régulièrement dans la maison familiale au Payats.

Elle passe ses études de bibliothécaire à Paris, à l'Ecole américaine de bibliothécaires qui est à l'époque à la pointe des nouvelles méthodes de la documentation. Fin des années vingt, début des années trente, elle passe plusieurs années aux Etats-Unis pour compléter ses études.

Yvonne Oddon était une bibliothécaire reconnue dès avant-guerre, très attachée à l'éducation populaire. La grande passion de sa vie était son engagement pour que les livres et le savoir puissent être partagés.


En tant que directrice de la bibliothèque du musée ethnographique du Trocadéro (1929) qui devient en 1937 le Musée de l'Homme, elle modernise résolument la bibliographie et transforme la bibliothèque en un lieu agréable, accessible pour un public large. En 1937, elle est désignée pour co-diriger la section bibliothèque de l'exposition Universelle de Paris.

En juin 1940, Yvonne Oddon s'insurge immédiatement contre l'Occupation allemande et contre le régime de Vichy. Elle est l'initiatrice d'un des tous premiers réseaux de Résistance en France: Le réseau du musée de l'Homme. Ensemble avec ses collègues et amis, elle fonde un groupe, qui organise des filières d'évasion vers l'étranger, qui fournie des renseignements pour les Alliés, et qui rédige un des premiers journaux clandestins : « Résistance » dont le titre est inspiré par Yvonne Oddon. Au bout de quelques mois, le groupe se ramifie en de multiples sous-groupes dans toute la France ; Ils comptent plusieurs centaines de membres.
Yvonne et son compagnon, l'ethnologue Anatole Lewitzky sont arrêtés le 11 février 1941. D'autres arrestations suivent et le groupe est presque entièrement démantelé. Dix membres du réseau sont condamnés à mort, dont Yvonne Oddon. Les sept hommes sont exécuté, tandis que les femmes voient leur peine commuée en déportation.

Yvonne Oddon passe quatre années dans plusieurs prisons : d'abord à Paris, ensuite en Allemagne au camps de concentration de Ravensbrück et finalement à Mauthausen. Encore à Paris en prison,
 elle essaie de prévenir d'autres membres du réseau par sa correspondance clandestine, cachée dans l'ourlet d'une jupe.

Libérée en avril 1945 grâce à une intervention de la Croix-Rouge suédoise, elle passe d'abord un certain temps dans le Diois. Elle est accueillie à Menglon en fanfare. Malgré un épuisement extrême, elle tient plusieurs conférences, dont une à Chatillon-en-Diois. A cette occasion, elle initie la première bibliothèque du Diois de l'après-guerre : « La bibliothèque circulante du Diois et du Vercors ».

C'est une époque où le pain est rare et on pouvait penser qu'il y avait d'autres priorités que la lecture publique. Mais Yvonne Oddon considère au contraire que que la reconstruction intellectuelle est aussi importante que la reconstruction matérielle. Pendant ces premières années après-guerre, de multiples caisses de livres circulent dans les villages les plus reculés du Diois et du Vercors et à Die il y même une salle de lecture chauffée pour permettre la population de s'instruire et de se divertir, longtemps avant la création d'une bibliothèque municipale ou départementale.

Vers la fin des années quarante, Yvonne Oddon s'investit dans de multiples missions de l'UNESCO : pour l'alphabétisation à Haïti, pour la muséologie des pays africains qui ont récemment acquis leur indépendance et qui n'ont que peu de moyens pour se créer leurs musées.
Elle continue à séjourner régulièrement dans le Diois. En 1981, elle reçoit la Légion d'honneur. Yvonne Oddon décède le 7 septembre 1982. Selon ses vœux, elle est enterrée aux Payats (Menglon), au cimetière familial de la famille Oddon.

Malgré le rôle majeur qu'elle a joué dans la Résistance et l'importance de son engagement pour les bibliothèques en France, Yvonne Oddon est peu connue dans le Diois et à Menglon. Aux Payats, où elle a passé toutes ses vacances avec sa famille, son souvenir est encore vivant, mais il risque de s'estomper avec le temps. Ailleurs, peu de personnes se souviennent de son nom.

Peut-être trouverons-nous bientôt l'occasion de l'honorer et de lui donner une place qui lui est due dans le mémoire collective.